Présent - Jean-François Cirelli vient d’être élevé (1er janvier 2020) au grade d’officier de la Légion d’honneur, il est président de BlackRock France.
En pleine crise de la réforme des retraites, l’événement est, en soi, minuscule ; il y a belle lurette que l’élévation à ce grade des brailleurs de micro ou des tapeurs de ballon en a fait un hochet complaisant de la république, sans compter les copains et les coquins (1). Mais dans le cas de Cirelli, on s’interroge : inconscience, provocation, mauvais timing, stratégie de la part de Macron ?
BlackRock n’roll
En effet, ça roule pour BR, fondé à la fin des années 80 par le milliardaire Laurence D. Fink, et devenu le gestionnaire d’actifs le plus important de la planète. Près de 7 000 milliards de dollars, soit presque trois fois le PIB français, sont gérés par les diverses branches du fonds. Principalement des fonds de pension. La nomination au grade d’officier de la Légion d’honneur par le Premier ministre indique : « Président d’une société de gestion d’actifs, anciennement président de Gaz de France ». Cirelli a été directeur adjoint de cabinet du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, vice-président et directeur général délégué de GDF Suez, puis cadre dirigeant du groupe Engie. Emblématique de ces allers-retours des hauts fonctionnaires qualifiés d’« intouchables d’Etat » (Vincent Jauvert).
Olivier Marleix, député LR d’Eure-et-Loir, avait souhaité que BlackRock déclare ses « actions de lobbying » à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Il avait ainsi interpellé Jean-Paul Delevoye à l’Assemblée, avant la démission de celui-ci du gouvernement : « Si votre réforme va à son terme, les affaires de BlackRock prendront donc un formidable essor en France. » En proposant, par exemple, des contrats d’épargne retraite aux Français.
Macron, bon petit élève de la ploutocratie
En cette matière, Macron est fidèle à lui-même et à ses commanditaires. Parmi les contributeurs de sa campagne, un des dirigeants de BNP Paribas (cette banque a une taille de bilan d’environ 2 300 milliards d’euros, soit plus que le PIB français), Christian Dargnat, qui exerçait la fonction de président de l’EFAMA, l’association européenne des fonds et de la gestion d’actifs, l’un des principaux lobbiesdu secteur. Autre figure, Guillaume Rambourg, qui dirige le hedge fundVerrazzano Capital (un portefeuille de fonds spéculatifs). Rambourg est devenu « grand donateur » ; il avait organisé, après l’annonce de la candidature de Macron, deux dîners parisiens où se pressaient les invités flairant la bonne aubaine. Qu’avait donc à gagner Rambourg pour son aide ? De nouveaux portefeuilles à gérer puisque Macron a supprimé du barème de l’impôt de solidarité sur la fortune tout ce qui ne relève pas de l’immobilier, et qu’il est donc devenu plus rentable de spéculer en France pour le patrimoine financier.
Gilles de Margerie, de son côté, avait organisé un dîner de donateurs le 7 juillet 2016. Il était alors directeur général adjoint d’Humanis (racheté depuis par Malakoff Médéric), un groupement de sociétés d’assurances, de mutuelles et de gestion d’actifs. Il est devenu directeur de cabinet du ministre de la Santé Agnès Buzyn, et le champ ouvert aux mutuelles (entendez assurances complémentaires privées) s’est accru depuis. Quant à Jean-François Cirelli, il a rencontré Emmanuel Macron le 10 juillet 2019, avec d’autres gestionnaires d’actifs. On connaît la suite !
Du grain à moudre pour les syndicats
Tout ceci devrait alimenter la grogne des syndicats et contribuer à l’idée, sinon d’un complot, mais bien d’une collusion, motifs à prolonger la grève et rendre la vie des Français toujours aussi compliquée en ce début d’année 2020. Voilà bien les fruits amers d’une ploutocratie décrochée des peuples : mépris, arrogance, morgue, cynisme, mais une stratégie signée Macron ! Celui-ci l’a avoué lui-même, son estime va à « ceux qui ont réussi » (mais qu’est-ce que réussir ?) au mépris de « ceux qui ne sont rien ».
Olivier Pichon pour
Présent