Tous les regards sont tournés vers la région PACA, parce que les chances du RN y sont les plus fortes. Et parce que la victoire ou la défaite de Thierry Mariani pèsera très lourd pour la suite, c’est-à-dire pour la présidentielle, dont les dates sont désormais connues : dans dix mois, les 10 et 24 avril 2022. De ce fait, l’élection de dimanche en PACA prend une allure de quitte ou double. En tout état de cause, aucune voix ne doit manquer à Thierry Mariani, même si l’abstention est prônée au nom d’on ne sait quelle mirifique martingale politique.
Les absents des urnes ont toujours tort. Voyez d’ailleurs comme, une fois toutes les analyses, tous les commentaires faits, on oublie qu’un Français sur trois seulement s’est exprimé, et que les votes qui se sont portés sur les candidats de l’Elysée n’ont représenté que 3 % des inscrits. Déjà, les politologues spéculent sur les scores attendus dans les régions et dans les départements. La fusion des trois gauches, en Ile-de-France, redonne par exemple une bouffée d’espérance à l’extrême gauche, inquiète Pécresse, et réjouit en secret Bertrand. Ailleurs, les sortants semblent devoir l’emporter, car on ne voit pas quel sursaut électoral pourrait suffisamment réveiller les abstentionnistes du 20 juin.
Dans Présent du jeudi 17 juin, Alain Sanders, dans l’un de ses fameux « coups de gueule » dont il a le secret, qui réjouissent ou agacent les lecteurs mais auxquels ils ne sont jamais indifférents, tacle Eric Zemmour qu’il traite de « coucou ». « Marine Le Pen est la candidate naturelle d’une droite populaire et de conviction », conclut-il.
Pourtant, dans Présent du jeudi 24 juin, Etienne Defay analyse les médiocres résultats de dimanche comme la conséquence d’une sous-estimation par les dirigeants du RN de leur électorat historique. Ils auraient braconné trop tôt en dehors de leurs terres, Eric Zemmour représentant une sensibilité plus en adéquation avec celle de la droite nationale : « Les conseillers de Marine Le Pen ont oublié le caractère contestataire du vote RN, ce vote du ras-le-bol et de la tentation de la table rase. » Peut-être. Encore que les explications de type sociologique soient plus crédibles que celles sur le positionnement et les discours du RN. Notre collaborateur y voit une opportunité pour la candidature Zemmour, dont la rumeur gagne du terrain. Cette hypothèse est en effet de plus en plus souvent évoquée, et lui-même, sur CNews, lundi, a semblé avancer ses pions, par sa critique sans concession de la campagne de Marine Le Pen.
« Dédiabolisation rime avec démotivation »
Polémia, le think tank (c’est-à-dire en bon français : réservoir à idées) de Jean-Yves Le Gallou, vient en renfort du journaliste de CNews. Mercredi, Polémia publiait une analyse détaillée du scrutin et, faisant allusion à la stratégie de normalisation du RN, il concluait par cette formule : « Dédiabolisation rime décidément de plus en plus avec démotivation. » Mais Pierre Boisguilbert, l’auteur de l’article, rappelle que « Marine reste cependant pour le moment incontournable. […] il ne s’agit pas encore d’un naufrage mais d’une avarie avec de sérieux dégâts. Il faut changer de cap et mettre à la barre ceux qui avaient indiqué les récifs ».
La critique de l’AGRIF (association créée par Bernard Antony, l’un des cinq fondateurs de Présent) est autrement plus radicale, et quelque peu désespérante : « Globalement, les électeurs de la droite de conviction n’ont pas eu une offre répondant à leurs aspirations essentielles […]. Les professions de foi du RN étaient d’une désolante médiocrité, somme toute semblables à celles des UMP ou RPR de jadis : rien sur la défense de la vie, et nullité totale sur la question de l’islam […]. Le RN de Marine Le Pen semble n’être pas prêt à incarner les valeurs fondamentales nécessaires pour que survive la France… »
Le congrès du RN des 3 et 4 juillet à Perpignan résonnera sans doute de débats sur les heurs et malheurs de la dédiabolisation. D’autant que celle-ci ne semble pas spécialement au rendez-vous, à entendre par exemple Xavier Bertrand qui, depuis dimanche, se vante d’avoir terrassé le dragon.
Mais, ni au RN ni dans ses marges, ni au sein de la droite de conviction, le temps n’est à ce type de spéculations alors que le second tour est imminent. Pour l’heure, on ne peut que noter que c’est le RN qui, le 20 juin, a seul été en mesure de présenter des listes dans toutes les régions, et des binômes de candidats dans la très grande majorité des cantons. Ce sera grâce à lui si, dimanche, le « front républicain » Muselier-Estrosi-Castaner, auquel Bernard Tapie vient d’apporter son éminent appui, est battu. Grâce au talent, aussi, de Thierry Mariani et de son équipe, bien entendu.
La qualité des militants
Marion Maréchal, qui était invitée cette semaine par Martial Bild à « Bistro Libertés », l’émission phare de TV Libertés, faisait remarquer qu’elle connaissait la qualité des candidats de la liste RN en PACA puisque beaucoup d’entre eux figuraient déjà sur sa propre liste, en 2015. Un autre sociétaire de TV Libertés, Pierre Gentillet, qui a travaillé avec Mariani, confirme les talents de ce candidat et considère, lui aussi, que Muselier et Mariani, ce n’est pas bonnet blanc et blanc bonnet, tant s’en faut.
Pour avoir été candidat dimanche aux élections cantonales et régionales en région Centre-Val de Loire, certes sous l’étiquette du CNIP mais dans le cadre de la liste conduite par le RN Aleksandar Nikolic, j’ai pu personnellement constater la qualité des militants. Leur dévouement, leur compétence, leur désintéressement n’ont rien à envier à ceux des débuts du Front national. Je n’avais pas participé à une compétition électorale depuis 40 ans mais, sur l’essentiel des points évoqués tant par Polémia que par l’Agrif, ces candidats – et futurs élus, pour certains d’entre eux – partagent peu ou prou les convictions des rédacteurs et des lecteurs de Présent.
Il est parfaitement normal que le RN, lors de son congrès de juillet, s’interroge sur sa stratégie passée et apporte des réponses à ceux qui s’interrogent. Il est souhaitable que ce parti renforce les marqueurs de son identité propre, et que soient débattus une communication et un programme parfois en effet très édulcorés… Et en pure perte, si l’on en juge les « fronts républicains » reconstitués un peu partout, à l’identique ou presque de 2015.
Mais attendons dimanche soir, attendons que les dés aient fini de rouler. Et au-delà des programmes et de la communication, la seule hypothèse d’une défaite du « front républicain » devrait constituer un stimulus suffisant pour que la droite de conviction ne baisse pas les bras et aille voter.
(...) Présent