La primaire américaine semble avoir nettement tourné à la faveur de Joseph Biden.
Un petit retournement, alors que le Sénateur du Vermont Bernie Sanders avait remporté de belles victoires en début de campagne. Comme il y a quatre ans, les démocrates se passeront très probablement du candidat socialiste qui, à l’instar de Donald Trump, aura subi les foudres d’une certaine forme d’Etat profond démocrate.
La presse de gauche contre Bernie Sanders
305 délégués séparent à présent les deux candidats à la primaire démocrate américaine. Bernie Sanders en compte 896 contre Joseph Biden, qui en compte 1201. Les jeux semblent faits à mi-parcours et Sanders, candidat socialiste à la primaire voit une nouvelle fois la victoire lui échapper quatre années après la déconvenue enregistrée face à Hillary Clinton.
Cette fois encore, la marche aura été trop haute et les ennemis trop puissants. Alors que le sénateur du Vermont se voyait en pourfendeur d’un parti démocrate établi en innovant par un programme résolument à gauche, il aura eu, pour pire ennemi dans cette quête de renouveau politique, la presse démocrate !
Une presse qui aura joué à fonds la carte des candidats dits « modérés », les principaux titres de gauche appartenant à de riches hommes d’affaires plus séduits par Biden que par Sanders - ou même, plus généralement, par le « tout sauf Sanders ».
En mars 2016 déjà, un titre comme le Washington Post s’était fait remarquer en postant pas moins de 16 articles anti-Sanders en 16 heures. Pour cette primaire, le service anti-Sanders a encore marché à plein régime. Le New York Times en tête, qui affirmait notamment l’incongruité du programme économique du candidat. Même son de cloche du côté de USA Today ou même chez NBC, qui comparait les militants de Bernie Sanders à des chemises brunes… Un assaut salutaire pour Biden, qui a vu peu à peu toutes les composantes de la gauche le rejoindre. Le va-t-en-guerre Biden, vieux briscard de la vie politique américaine, est devenu en quelques semaine le seul modéré considéré comme capable de battre Donald Trump.
L’économie : la fracture proposée Sanders était trop brutale
Au-delà des thèmes de campagne qui obsèdent la sphère gauche de l’électorat américain (droits des minorités (ethniques, sexuelles et autres)), c’est bien la question économique qui a fait chuter Bernie Sanders.
Favorable à un socialisme démocratique, le sénateur du Vermont propose une véritable rupture avec le dogme libéral américain. Si Donald Trump pouvait apparaître il y a quatre ans comme « politiquement incorrect », voire à contre-courant, Bernie Sanders représente lui, avec son programme, une véritable bombe culturelle.
Favorable aux nationalisations des banques et à des réformes très socialisantes, son avènement marquerait une rupture inédite dans l’Histoire nord-américaine. Une rupture qui impliquerait des changements stratégiques majeurs dans les politiques étasuniennes à travers le monde et marquerait une fracture avec l’ordre établi (Venezuela, Iran, Corée du Nord). Un changement tout bonnement impensable pour Washington mais aussi pour Wall Street.
Pour contrer l’avancée du candidat Sanders, une batterie d’organisations se sont donc mises en branle, de la presse de gauche évoquée précédemment aux think-tank comme Third Way, de sensibilité blairiste, qui tire ses financements de Wall Street… Pour les financiers de la gauche américaine, une victoire de Trump aurait même été largement préférable (patrimonialement parlant) à une présidence Sanders.
La défaite de Sanders, désormais très probable, rappelle les fondements idéologiques des Etats-Unis, pays phare du libéralisme économique. Elle rappelle aussi que si tout paraissait possible de l’autre côté de l’Atlantique avec l’avènement de Donald Trump, c’est bel et bien le billet vert qui demeure le cœur nucléaire de l’Empire.
(pour aller plus loin sur la candidature Bernie Sanders, retrouvez l’entretien de Clément Pérot, auteur de Democrazies : un frenchie dans la campagne de Bernie Sanders, par Pierre Bergerault)