C’est un emballement dont l’époque postmoderne a le secret. Un mélange d’exacerbation identitaire, de société du spectacle, de narcissisme, et d’effet de groupe. Un cocktail désastreux pour toute société. Cet emballement a procuré à la meute un frisson de pseudo-héroïsme pendant le temps d’une soirée, au prix d’une vie et d’une carrière brisées. Récit.
Le match PSG-Istanbul a été interrompu vers la vingtième minute, à cause d’un esclandre provoqué par un entraîneur adjoint du club turc, noir de peau, qui aurait été traité de « négro » par le quatrième arbitre. Le racisme est, de fait, présent dans un certain nombre de stades italiens ou d’Europe de l’Est : il n’est pas rare que des joueurs africains y fassent l’objet de cris de singe, ce qui est moralement tout à fait condamnable. Toujours est-il que les joueurs des deux équipes se sont arrêtés de jouer, et sont allés morigéner l’arbitre qui aurait injurié l’entraîneur adjoint Pierre Achille Webó. Le scandale a pris une proportion internationale, et le monde entier via les réseaux sociaux en a profité pour participer au lynchage. Mais que s’est-il passé ?
C’est très simple, et les images vidéo ont pu reconstituer à la minute près les faits réels. Pierre Achille Webó mettait le bazar sur son banc de touche, et se comportait de manière agressive. Le quatrième arbitre, M. Sébastien Coltescu, demande aux trois autres arbitres de l’exclure. Il leur dit exactement : « Il faut exclure le joueur noir, ce n’est pas possible de se comporter comme ça ». Or, « noir » se dit « negru » en roumain. Dès lors, Pierre Achille Webó a cru être insulté et s’en est pris à l’arbitre en question, provoquant l’esclandre lamentable qui s’est ensuivi. Il s’est expliqué de manière calme et digne : Pierre Achille Webó était au milieu de gens de couleurs de peau plus claires, l’adjectif « noir » permettait de le désigner de manière efficace et sans injure particulière, à moins qu’une couleur soit considérée comme telle. Lors de la Coupe d’Afrique des nations, si un entraîneur blanc se comporte mal sur son banc et qu’il est seul de sa couleur de peau, il ne se plaint pas si on le désigne comme Blanc, parce que c’est pratique. Il aurait fait une tête de plus que son voisin, on aurait pu dire « le grand » ; s’il portait des lunettes, on aurait pu dire « le type à lunettes » ; il aurait été le seul chauve, on aurait pu dire « le chauve », etc. Crier au racisme, dans ces circonstances, c’est insulter l’arbitre.
Si, aujourd’hui, désigner un Noir au milieu d’un groupe de gens de couleurs différentes en disant « le Noir », c’est raciste, alors la vérité est raciste. Une couleur de peau n’est pas une insulte.
Le joueur qui a fait dégénérer l’incident mineur en explosion mondiale s’appelle Demba Ba. Né en France, c’est un musulman qui soutient officiellement l’organisation islamiste BarakaCity. C’est lui qui a fait quitter le terrain à tous les joueurs. Or, dans plusieurs propos publics, il utilise le terme « Blanc » pour désigner des gens. Par conséquent, lorsqu’il explique à Sébastien Coltescu que désigner quelqu’un par sa couleur de peau est raciste, il reconnaît qu’il est lui aussi raciste. Le comble de l’abject, c’est que de nombreux officiels turcs ont parlé de crimes contre l’humanité. A en vomir : quelques semaines après avoir commencé une épuration ethnique au Haut-Karabagh, après avoir appelé « chiens » les Arméniens, Erdogan vient faire l’antiraciste. Répugnant.
Cette soirée laisse un goût amer dans la bouche : le spectacle de cette meute qui ruine la vie d’un homme de manière injuste, devant le monde entier, en manipulant un malentendu. Une curée immonde. Et qui laisse présager un avenir violent. Lorsque des phénomènes de foule incontrôlables s’agrègent sur une pauvre victime, peu nombreux sont les courageux capables de défendre le bouc émissaire girardien pris par la crise mimétique. Et le prochain, c’est peut-être vous.
Benoît Busonier pour Présent