Alors que Washington a déployé un porte-avions en début de semaine pour parer une hypothétique menace iranienne, Téhéran a suspendu une partie de ses engagement de l’accord de Vienne sur le nucléaire. Les pays européens sont attendus au tournant dans cette crise qui pourrait déboucher sur un conflit majeur.
C’est une provocation qui ne pouvait pas rester sans réaction. En déployant un porte-avions en début de semaine pour parer une hypothétique menace iranienne, les Etats-Unis ont clairement fait comprendre que Téhéran était une cible de l’administration au pouvoir.
La réponse du berger à la bergère
En réponse à ce déploiement armé, l’Iran n’a pas tardé à réagir par la voix de son ministre des affaires étrangères Mohammad Javad Zarif qui a annoncé ce mercredi 8 mai que son pays a décidé de cesser l’application de certains engagements pris lors de l’accord de Vienne sur le nucléaire. En l’occurrence Téhéran cesse de limiter ses réserves d’eau lourde et d’uranium enrichi et cesse de vendre ceux-ci à d’autre pays. Cette décision a été notifiée officiellement aux ambassadeurs des pays signataires de l’accord : la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Russie et la Chine.
Une annonce qui intervient un an après le retrait des Etats-Unis de cet accord. Un retrait motivé par un changement de cap voulu par l’administration Trump, peu désireuse de poursuivre les efforts d’apaisement engagés par Barack Obama.
Alors que l’accord de Vienne devait déboucher sur un retrait progressif des sanctions américaines, l’Iran n’a finalement tiré aucun bénéfice de cet infléchissement dans son programme nucléaire. Pire, la domination des Etats-Unis sur leurs alliés européens contraint ceux-ci à maintenir des sanctions qui auraient dû prendre fin. Mohammad Javad Zarif a ainsi déclaré, de passage à Moscou, que son pays avait jusqu’à présent fait preuve de patience. Il a également affirmé que l’Iran ne se retirerait pas de l’accord… la suspension de certaines mesures correspondant à un droit laissé aux parties en cas de manquements des autres parties.
Le président iranien, le modéré Hassan Rohani, a par ailleurs donné un ultimatum aux signataires de l’accord : 60 jours pour mettre en œuvre les mesures promises : à savoir notamment protéger les secteurs bancaires et pétroliers… faute de réaction des signataires, Téhéran reviendra sur d’autres engagements et augmentera son niveau d’uranium enrichi.
Une escalade qui fait craindre le pire et face à laquelle l’Europe semble bien démunie. La France, elle, a mis en garde l’Iran contre cette décision sans pour autant proposer d’alternative aux sanctions étasuniennes.
Plus généralement c’est la diplomatie européenne qui est observée de près dans ce dossier. La représentante de l’UE Federica Mogherini avait dénoncé les agissements de Washington dans la région le 4 mai dernier… une prise de position qui peut paraître équilibrée et courageuse mais qui n’empêchera pas le constat d’impuissance du Vieux Continent et des autres partis à l’accord dans le dossier iranien.
En effet, qu’il s’agisse de Bruxelles, de Moscou ou de Pékin, tous ont maintenu leurs engagements mais sans pouvoir respecter leur promesse de permettre à l’Iran de bénéficier d’une levée des sanctions en contournant les sanctions américaines. Une fois encore, la domination mondiale étasunienne apparaît comme un frein à la paix… tenu par la force économique de Washington, aucune partie en présence ne semble apte à faire face à l’Oncle Sam… le monde multipolaire, lui, semble toujours se faire attendre.
Une situation pour le moins paradoxale quand on sait les efforts matériels et humains déployés par l’Iran pour anéantir l’Etat Islamique...