La guerre “hybride”, dans laquelle des mercenaires prennent la place d’ armées conventionnelles de pays défaillants, est le nouveau sujet de préoccupation de nos chefs d’état-major.
Le général Burkhard, chef d’état-major actuel de nos armées, entend adapter les forces françaises à cette nouvelle forme de guerre menée par des “proxys”, c’est à dire des mercenaires, des milices ou des sociétés privées, autant d’adversaires qui ne sont pas des armées étatiques ni des groupes armés identifiés.
Si le droit international interdit en principe le recours à des mercenaires et groupes armés privés, les vides et flous juridiques sont si nombreux que les mercenaires pullulent là où les États sont défaillants. On peut lire, dans un rapport de l’ONU daté de juillet 2020, “ces intermédiaires sont utilisés pour peser à distance sur des conflits armés, cependant que leurs commanditaires, y compris des Etats, nient leur implication et cherchent à se dérober face à leurs responsabilités.”
Tout le monde s’y met, même la Chine qui cherche à sécuriser la route de la Soie. Quant aux pays occidentaux, et notamment la France, ils ont recours à ces mercenaires, en principe de façon discrète et parallèle. C’est ainsi que la France pilote les sociétés Amarante et Geos, aux pouvoirs encadrés et limités à la sécurisation d’emprises ou à l’évacuation de personnels privés en zone de guerre. La Libye par exemple est, depuis des années, le théâtre de jeu de milliers de mercenaires du monde entier. Le dernier rapport de l’Inspecteur général du Pentagone en dénombrait environ 10 000 , dont 2000 directement liés au groupe armé russe Wagner.
L’hypothèse de contacts entre Wagner et la junte militaire au pouvoir au Mali est d’ailleurs un sujet de préoccupation pour notre ministère des Armées, où l’on n’a pas oublié que l’on avait laissé des mercenaires prendre pied en Centrafrique, ayant à l’époque “sous-estimé la situation et n’ayant pas jugé utile d’intervenir”.
En attendant, l’armée française cherche une parade à ces adversaires protéiformes. Comme l’explique le général Castres, “la problématique de Wagner et des sociétés privées de sécurité n’est qu’un aspect du sujet. La question ce sont les zones grises, les zones où le droit est absent et où se développent des conflits hybrides, là où les pays occidentaux ne sont pas pas organisés pour agir et où la logique binaire du tout ou rien laisse souvent le champ libre à nos compétiteurs”. Afin de pallier cette lacune, le Général Castres préconise la création d’une structure privée nouvelle, afin “d’être présent à bas bruit par le truchement d’un opérateur privé dans les zones grises des pays en crise,ou en sortie de crise, dans lesquels la France a des intérêts”.
C.H