Vingt ans de guerre, cent soixante-cinq mille morts et les talibans au pouvoir. Après avoir déclaré la guerre à l’Afghanistan en 2001, l’Amérique a fini par quitter le pays le 30 août 2021. Retour sur un fiasco.
La décision originelle de quitter l’Afghanistan revient à l’ancien président Donald Trump, qui estimait l’entreprise suffisamment coûteuse en hommes, en matériel, en dollars et en illusions pour y mettre fin. Joe Biden, chargé de mettre l’opération en musique, annonçait le 14 avril le retrait des troupes américaines. Malgré le temps imparti pour préparer tous les aspects de son repli,sur les plans militaire, logistique, et administratif comme sur le plan humain, l’Amérique de Biden sera submergée par la victoire des talibans en quelques semaines.
Le retrait des troupes tourne au désastre
Le Secrétaire à la Défense Lloyd Austin, ancien général quatre étoiles de l’armée américaine, devait gérer l’évacuation des troupes. Le secrétaire d’Etat Antony Blinken, et le conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan étaient, quant à eux, totalement prêts à organiser le volet civil d’une opération de repli.
Une opération qui tournera au désastre.
Les militaires américains ont commencé à réduire leur capacité sans aucune coordination avec l’armée afghane, alors que rien n’était encore prêt pour organiser l’évacuation des diplomates et des civils. Les bases aériennes, d’où décolaient drones et avions d’appui qui avaient servi jusque-là à aider l’armée afghane et à empêcher les talibans de s’emparer des villes, furent les premières à être abandonnées dès début juillet.
En parallèle, l’offensive des talibans se renforçait et dès juillet les premières capitales régionales tombaient entre leurs mains. L’armée afghane, privée de l’appui de l’aviation américaine et se sentant dorénavant livrée à elle-même, s’est vue contrainte de passer des accords locaux avec les talibans ou bien, devant la menace, s’est totalement dispersée.Ce fut le début de la débandade.
Avant le 15 août, trois villes stratégiques tombaient aux mains des talibans: Kandahar, berceau de leur mouvement, Herat à l’ouest, qui contrôle la frontière avec l’Iran, et Mazar-e-Sharif au Nord, qui contrôle la frontière avec le Tadjikistan et l’Asie centrale.
C’est à ce moment-là seulement qu’ Américains et Occidentaux décident enfin d’accélérer le mouvement mais il est trop tard. Les ordres d’évacuation immédiate donnés par Lloyd Austin se heurtent à la demande de temps de l’ambassadeur qui semble ne pas avoir encore pris la mesure de l’urgence.
Tandis que Joe Biden et le personnel de la Maison Blanche prennent leurs quartiers d’été, le président afghan Ashraf Ghani se retrouve totalement isolé dans son palais du centre de Kaboul. Le secrétaire d’Etat Antony Blinken tente une négociation de la dernière chance avec les talibans, leur proposant d’accepter de rester hors de Kaboul en échange de la mise en place d’un gouvernement intérimaire, sans Ashraf Ghani, et auquel eux- mêmes seraient associés.
Dès le lendemain pourtant, les talibans entrent dans Kaboul, tous les points de contrôle ayant étés abandonnés par l’armée afghane.Le président Ghani décolle en hélicoptère des jardins du palais, direction l'Ouzbékistan puis les Emirats, afin d’éviter le sort tragique de son prédécesseur Najibullah en 1996, lors de la première prise de Kaboul par les talibans.
Enfui à la hâte, sans même prévenir ses ministres, sans un mot pour son peuple, Ashraf Ghani aura déclenché la panique générale et la fuite éperdue vers l’aéroport.
Victoire des talibans
La voie est libre, et les talibans ont alors beau jeu d’expliquer au général Mc Kenzie, chef de l’état-major en charge de l’Afghanistan, qu’ils se doivent de prendre le contrôle de Kaboul afin de combler le vide sécuritaire qui y règne dorénavant.
Mc Kenzie fait profil bas expliquant que seule lui importe l’évacuation des citoyens américains, des alliés afghans et des autres personnes en danger et accepte la date butoir du 31 août pour mener à bien cette opération. L’Amérique a baissé la tête une fois encore.
Près de vingt ans après leur capitulation devant les forces US et les insurgés de l’Alliance du Nord, les talibans sont de retour en Afghanistan. Vingt ans de guerre et un coût pharaonique pour les Etats-Unis n’ont pas eu raison d’une partie de ce peuple, tout comme le déploiement invraisemblable des forces au Vietnam n’avait pas eu raison des Nord vietnamiens.
Après la chute de Saïgon en 1975, et la prise de l’ambassade américaine à Téhéran, l’échec de la guerre d’Afghanistan et le prise de Kaboul par les talibans constituent une nouvelle défaite cuisante pour les américains.
Catherine Haudelisle