Présent - Des services de réanimations envahis de patients dans un état critique, des infirmières mal protégées obligées de « faire avec les moyens du bord », et des médecins bientôt contraints de « faire des choix critiques » : alors que le gouvernement continue de s’enorgueillir de posséder le « meilleur système de santé du monde », nos hôpitaux, dont les personnels ne cessent pourtant de dénoncer le déclin depuis des années, sont aujourd’hui en train d’« exploser » sous la pression de l’épidémie de coronavirus.
Comment pouvait-on imaginer un seul instant, alors que l’Etat a depuis des années honteusement délaissé l’hôpital public et méprisé les incessants appels au secours de ses salariés dénonçant une situation devenue critique, que nos hôpitaux pourraient être en mesure de faire face à une épidémie d’une telle gravité ? Le professionnalisme et l’abnégation de nos hospitaliers, aussi admirables qu’ils soient, ont atteint aujourd’hui leur limite.
Témoin parmi tant d’autres de cette situation dramatique : l’hôpital Emile-Muller de Mulhouse, qui a complètement « explosé » sous l’effet de l’afflux massif de patients contaminés par le coronavirus, est à ce point débordé qu’il a fallu faire appel à l’armée, non seulement pour évacuer par avion des patients vers les hôpitaux de Marseille et de Toulon, mais aussi pour déployer au plus vite à sa proximité un « hôpital de campagne ». C’est que, à Mulhouse, les faibles moyens accordés par l’Etat aux soignants ont été rapidement absorbés et, malgré d’incroyables efforts d’imagination pour pallier cette situation, on manque de tout : de lits de réanimation, de respirateurs artificiels, de masques, de personnel… En fait, comme l’expliquait mercredi le docteur Marc Noizet, chef des urgences de cet hôpital, « on le voit bien, rien n’avait été prévu ».
Une situation qui, hélas, n’est pas propre à Mulhouse. En effet, à Paris et dans de nombreuses villes de France, les hôpitaux, s’ils n’ont pas encore atteint leur point de rupture, sont en passe de le faire. Ainsi, confiait mercredi au
Figaro le professeur Eric Maury, membre du service de médecine intensive et réanimation de l’hôpital Saint-Antoine, à Paris, « on est dépassés, on n’a jamais vu ça. […] Nous risquons d’avoir à faire de la médecine de catastrophe : deux malades, pour un seul respirateur. Et ce sera à nous de choisir ».
Une sombre perspective vers laquelle, semble-t-il, nous nous acheminons déjà puisqu’un texte intitulé « Priorisation de l’accès aux soins critiques dans un contexte de pandémie » a été remis mardi à la direction générale de la Santé. Conçu pour aider les médecins en cas de saturation des lits de réanimation, il présente un « arbre décisionnel » leur permettant de faire un choix entre les patients en fonction de leurs chances de survie et de leur capacité à récupérer. Aussi énorme que cela puisse paraître, cette hypothèse a d’ailleurs été évoquée lundi sur France Inter par le directeur général de la Santé Jérôme Salomon, qui a certes convenu que « ce serait catastrophique de devoir en arriver à trier des personnes en réanimation parce qu’il n’y a pas de place ».
Quant à Olivier Véran, interrogé mercredi au sujet de la mise en place le jour même de « cellules de soutien éthique » dans les hôpitaux pour aider les soignants face à ces décisions difficiles, il devait reconnaître : « C’est aussi ce type de décision, ce type de situation qu’il nous faut anticiper et préparer. »
Présent