Traditionnellement la dette était une affaire d’honneur, puis elle fut un élément dynamique de l’économie, pourvu qu’elle se transformât en investissement, et qu’elle ne fut pas trop élevée. En 2020 le changement d’échelle est sans doute un changement de nature. Elle n’est pas de l’investissement mais de la consommation, disons même de la consommation de secours, de la consommation d’urgence.
Dette mondiale : les chiffres
L’Institute for International Finance (IIF) créé en 1983 par 38 banques des pays industrialisés, donnait, avant la crise, la dette à 322% du PIB mondial soit
255 000 milliards de dollars. Une contraction mondiale de 3%, si l’on admet ce taux assez modeste dans l’actuelle crise économique, devrait porter le stock mondial de dette à 342% du PIB mondial d’ici la fin de l’année 2020.
La France devrait terminer 2020 avec une dette publique à 115% du PIB, d’autres estimations la placent à 122% du PIB. Selon les données de la Commission européenne, la dette publique des pays de la zone euro devait atteindre, avant le coronavirus, 10 400 milliards d’euros en 2020, soit 85 % du PIB de la zone. Et 108.000 milliards de yens au Japon (soit l'équivalent de 1.000 milliards de dollars), 2.000 milliards de dollars aux Etats-Unis, environ 600 milliards d’euros pour l’Union européenne ou encore
près de 100 milliards d’euros en France. Et ce, sans parler des montants tout aussi extravagants des “planches à billets” des banques centrales (au minimum 1.500 milliards de dollars pour la Fed et 1.000 milliards d’euros pour la BCE).
De la nature de la dette
Il y a déjà belle lurette que les états se sont livrés à une fuite en avant dans la dette, la crise dite des subprimes qui était une affaire de dette toxiques, a été résolue par plus de dette, toujours le remède qui est aussi un poison ! Mais cette fois nous sommes dans le surréel, l’astronomique, la démesure, les marchés ne s’y sont pas trompés qui ont chuté dans des proportions inédites. Aujourd’hui qui peut croire que de telles sommes puissent jamais être remboursées. Les déficits budgétaires, contre lesquels, soit dit en passant, s’était constitué l’UE, ne sont plus un mal mais un bien, le plomb se transforme en or ! Dans la destruction des circuits économiques qui s’est produite, telle la foudre sur un réseau électrique, il ne reste plus, en matière opérationnelle que les banques centrales, véritable lieu de pouvoir économique. Christine Lagarde sait-elle qu’elle est désormais plus puissante que Macron et, peut-être Jay Powell président de la FED plus puissant que Trump ? Les banques centrales apparaissent un peu comme le seul monument encore debout après un bombardement, la question est donc, de savoir si nos économies peuvent fonctionner ainsi. Bonaparte qui eut le mérite d’établir une monnaie solide en créant le Franc germinal avec l’aide de son ministre Gaudin, n’ignorait rien de la nécessité d’une banque centrale, mais son talent fut aussi de faire revenir les capitaux après la faillite du Directoire. Aujourd’hui dans la mondialisation, la question est de savoir d’où pourraient venir les capitaux, comment ils pourraient s’investir fructueusement et à quelle rémunération ?
Qui va payer la dette ?
Tout se passe comme si aujourd’hui l’exigence née en Occident d’une comptabilité en partie double (débit/ crédit) se trouve amputée de sa partie crédit si le seul créditeur est une banque centrale employée à fabriquer de la monnaie de singe qui ne correspond à aucune création de valeur. A ce niveau d’endettement totalement inédit dans l’histoire mondiale, nous voici plutôt dans la comptabilité en partie trouble !
Il faut se poser la question du créancier (à qui va-t-on la payer ?) puis celle du débiteur. Certains créanciers sont identifiables par exemple la Chine qui achète les TBonds américains (bons du trésor). A suivre Graham Allison nous basculons dans la géopolitique. Selon lui, la Chine et les États-Unis se dirigeraient vers une guerre dont ils ne veulent pourtant ni l’un ni l’autre. Pour éclairer ce paradoxe, Graham Allison invoque ce qu’il appelle le Piège de Thucydide, (2500 AVJC) qui se met en place quand une puissance émergente vient défier la puissance régnante. C’est Athènes face à Sparte et cela se fit sur prétexte financier (La Guerre du Péloponnèse). Au cours des cinq derniers siècles, cette configuration mortelle s’est présentée seize fois ; à douze reprises, elle s’est soldée par une guerre.
Ce qu’à Dieu ne plaise !Mais en restant sur l’économie il y a des solutions ,tout dépend de la structure de la dette, si, par exemple comme en Italie ou au japon, les créanciers sont les nationaux de ce pays, une cessation de paiement pose des problèmes... électoraux, en revanche en France la dette a des créanciers étrangers, une faillite n’est cependant pas sans contrepartie , qui pourra prêter derechef à la France dans ce cas de figure ?Il y a une solution ,on peut toujours rêver , la croissance forte qui modifie le ratio Pib/endettement, mais les pays développés sont structurellement sur une phase de croissance lente. L’inflation comme deuxième solution, a le mérite de faire fondre la dette puisque la valeur nominale de la dette devient sans proportion avec les prix du moment. La troisième solution : à corona dettes corona taxes ! Difficile en France par exemple, eu égard au niveau des prélèvements obligatoires .Enfin l’annulation de la dette mais seulement celle des banques centrales, qui par le QE ,ont racheté les obligations des banques commerciales, mais on voit mal comment l’euro pourrait résister à cette annulation, le sacrifice de l’euro serait en quelque sorte le prix à payer pour ces dettes .Mais surtout ce serait « one shot game » un jeu à un coup qui en effet prêterait de nouveau à des états qui annulent les dettes,(cela s’appelle une faillite) et de toute façon les éventuels prêteurs le feraient en se couvrant d’un risque avéré, c'est-à-dire au prix fort, cette fois les taux d’intérêt remonteraient inéluctablement.
Bref mes chers concitoyens, si vous êtes épargnants (ou retraité) gare à l’inflation, si vous êtes consommateurs de même si vous êtes contribuables gare aux taxes, et si vous aimez l’euro apprêtez-vous à le quitter. A part cela, la « relique barbare de Keynes » (l’or) se porte très bien et risque de frôler les sommets historiques, serions-nous revenus dans des temps barbares ?
Olivier Pichon