Dans la toute petite ville de mon enfance, chaque magasin était décoré. Et ce qui nous fascinait le plus, ma sœur et moi, c’était de découvrir ces crèches, dans les vitrines, un vrai concours. En 2020, dans cette même toute petite ville de province, il n’y a plus une seule crèche, plus une seule, dans aucun de la petite cinquantaine de magasins. Les pères Noël sont encore là, les guirlandes lumineuses aussi. Mais plus de crèches, plus de santons, plus d’étoiles du berger. Plus rien de ce qui rappelait, jusqu’à une époque récente, pourquoi cette nuit du 24 au 25 décembre revêtait une signification particulière. Les boutiques de ma toute petite ville de province ressemblent désormais aux vitrines soviétiques de l’époque Brejnev : des paillettes pour retenir l’attention, donner une impression de fête, favoriser la consommation. Rien d’autre.
Quand j’interroge les commerçants : « Mais qu’avez-vous fait de la crèche magnifique que vous installiez autrefois, avec tant de soin ? », ils me répondent, un peu gênés, sans doute : « C’est interdit, on n’a plus le droit. » Ou encore : « Je n’ai pas envie d’avoir d’ennuis, un pavé dans ma vitrine »…
Le processus de déchristianisation s’est accéléré, ces dernières années, pris en tenailles entre islamistes et laïcistes : il y a eu la grande offensive contre les crèches municipales. Grosso modo, au nord de la Provence et de la Côte d’Azur, les crèches sont désormais interdites sur le domaine public ou dans les bâtiments publics. Il y a eu ces polémiques incroyables sur l’interdiction des sapins de Noël, dont certaines nouvelles municipalités vertes se sont faites les championnes. C’est cela l’écologie ? Il y a eu ces interdictions de messe, ces dénonciations, ces descentes de police, en plein culte, malgré les masques et le respect des distances de sécurité.
Mais c’est dans la plus grande discrétion que nous remontent des informations sur des saccages systématiques de décorations de Noël, un peu partout. Simple phénomène d’ensauvagement de la société ? En êtes-vous bien sûr ?
Les malheureuses baudruches crevées de pères Noël gonflables
De même que des chrétiens ont été égorgés à Nice ou Saint-Etienne-du-Rouvray pour prix des dessins obscènes de Charlie, publiés avec la bénédiction (si l’on peut dire) du gouvernement, de même les malheureuses baudruches de pères Noël gonflables sont crevées par ceux qui croient encore que Noël est une fête religieuse de « mécréants ». Mais cette fête elle-même, on finira bien par la supprimer à son tour – pour ne pas choquer les autres religions. Un jeune musulman n’a-t-il pas récemment été roué de coups pour avoir participé à une fête de Noël ? C’est donc bien que, au-delà de la crèche, du sapin, de la messe, la fête de Noël en elle-même « perturbe », « choque » les pratiquants d’autres religions, ou plus exactement certains pratiquants d’une autre religion.
Alors que nous préparions ce numéro de Présent, il est tombé l’information que trois jeunes soldats français, Tanerii, Dorian et Quentin, venaient de trouver la mort au cours d’une opération anti-jihad au Mali. Leur véhicule a été touché par le tir d’un blindicide ennemi, semble-t-il. Ils appartenaient au 1er régiment de chasseurs basé dans la Meuse. Qui relèvera l’étrange paradoxe consistant à envoyer nos fils se faire tuer au Mali par les islamistes, tandis que chez nous, « pour ne pas choquer » ces mêmes islamistes, ou leurs frères jumeaux, on organise, sous leur autorité de fait, la dépossession progressive de notre identité ?
Francis Bergeron pour
Présent