La France et le monde ont connu jusqu’aux années 80 une assez forte inflation. C’était le « fléau » économique des trente glorieuses et des babyboomers. Puis vint la mondialisation et les politiques de désinflation vertueuses. Il fallait être compétitif dans le concert de la mondialisation et peser de toute ses forces sur cette inflation, « ce pelé, ce galeux » dont nous venait tout le mal ! Pesée sur les coûts et, les salaires et les chefs d’entreprises les plus appréciés de la sphère productive, étaient les cost killers, les tueurs de coûts.
De la désinflation à la déflation
Cette politique réussit si bien qu’on en vint même dans les premières décennies du XXI° siècle à une situation de quasi-déflation, avec des prix qui ne montaient pas assez (mais pas tous, le ressenti de la ménagère en témoigne, une affaire d’indices) et surtout des salaires qui ne progressaient plus alors que la productivité continuait de progresser, ou bien des salaires qui ne suivaient pas les prix quand ils avaient tendance à augmenter.
2008 : Une crise de l’endettement résolue par l’endettement
C’est alors que survint la fameuse crise des subprime, crise financière qui révéla le degré extraordinaire d’endettement de la planète, ménages entreprises états, en déficit permanent. La dette mondiale gonflait dangereusement. La crise de l’endettement fut résolue par... l’endettement ! Certainement pas la meilleure thérapie laquelle fit derechef gonfler les bulles d’actifs et nous faire une planète de dettes. Les milliards pleuvaient déjà par la volonté des banques centrales et l’invention du quantitative easing, entendez « politique d’émission non conventionnelle » ou, pour faire court, la planche à billet.
Tous les observateurs rompus à la logique économique élémentaire en concluaient que ce déversement inconsidéré de monnaie, de surcroît sans assise métallique, ne pouvait conduire qu’à l’hyper inflation. Il n’en fut rien et l’on assista bientôt à l’émergence d’un phénomène totalement inédit : les taux d’intérêt négatifs. A ce prix, il ne fallait pas se gêner et puiser à pleine brassée dans cette création monétaire inconsidérée. Ce que fit la planète financière suivie par tous, il faut bien le reconnaître, et les états ne furent pas les derniers à déverser les millions. Cette abondance de monnaie avait pour conséquence une mauvaise allocation de ressource qui eut été mieux utilisée en contexte de rareté, et la carambouille d’augmenter de plus belle !
Impossible inflation ?
Rien ne semblait provoquer la hausse des prix logiquement attendue. La concurrence mondiale effrénée était, de fait désinflationiste, pour les prix mais surtout pour les salaires les travailleurs occidentaux ayant perdu, pour beaucoup, leur couverture syndicale les revendications ne permettaient plus d’obtenir des augmentations de rémunération conséquentes. Partout l’État réduisait, en s’en vantant, ses services, dont les hôpitaux n’étaient pas les moindres.
C’est alors que survint le coronavirus, deus ex machina non économique mais provoquant une des crises économiques les plus ravageuses de l’histoire. Partout on annonce, toujours le même remède, le déversement, à la limite de la folie délirante, de milliards de milliards de (fausse) monnaie et cette fois on peut escompter une reprise de l’inflation, certains s’en féliciteront qui ont à vendre, mais les ravages de celle-ci peuvent s’ajouter aux autres motifs de crise sociales violentes (chômage).
Inflation, le retour ?
Pour quoi repartirait-elle ? D’une part parce que la concurrence internationale désinflationniste en soi est brisée par la rupture du commerce international, l’ouvrier chinois fera moins de concurrence (par les produits qui incluent son salaire) à ce qui reste d’industrie en France, aux USA Huawei vendra moins selon la même logique, celle-ci déjà actée par Donald Trump.
Parce qu’aussi l’interruption de l’activité va progressivement provoquer des ruptures de stock et d’approvisionnement qui feront remonter les prix, c’est déjà le cas dans la distribution alimentaire. Bien sûr, pour les biens type habillement, mobilier, carburant, cosmétiques, dans un premier temps, les prix vont baisser par moindre demande mais ensuite, après la « libération » (nous sommes en guerre n’est-ce pas ?) il y aura une sur-demande de compensation de nature à créer de l’inflation. Sans compter aussi que l’état et les entreprises voudront rembourser leurs dettes colossales en augmentant le prix de leurs services et de leurs bien, l’inflation aurait alors le mérite de réduire à néant les dettes, les débiteurs seraient gagnants, si leurs revenus peuvent suivre les prix. Bref le retour de l’inflation est hautement possible, gare à ceux qui ont de revenus fixes et qui ne pourront pas aligner leurs revenus sur cette inflation, (retraités : forme économique de l’euthanasie), autre modalité d’une crise sociale à multiple facette.
C’est alors que les français retrouveront le bonheur de devoir vivre en payant les prix de l’an prochain avec les revenus de l’an passé.
Olivier Pichon