Depuis la fin des années 1960, une vague d’immigration déferle sur l’Europe. La loi sur le regroupement familial, adoptée en 1976, a transformé cette immigration en immigration de peuplement. (…) En France, la part de la population d’origine extra-européenne est aujourd’hui supérieure à 20 %, soit environ 14 ou 15 millions de personnes. Ce nombre est appelé à augmenter en raison des flux à venir (…) La composition de la population française se modifie ainsi grandement. Qu’en sera-t-il dans vingt ans ?
Pour les nouveaux arrivants, l’expatriation est toujours un arrachement, un déracinement. On pourrait dire une auto-déportation. Si l’on y ajoute les risques encourus, les noyades, les passeurs, les centres d’internement, les marchands de sommeil et les mafieux, on peut même y voir une forme d’esclavage. Quand on combat l’esclavage, on ne s’en prend pas aux esclaves, mais aux trafiquants.
Du côté des populations d’accueil, tous les sondages montrent qu’elles vivent très majoritairement l’immigration comme un calvaire. Elles ne supportent plus les pathologies sociales nées de l’immigration, et moins encore le fait qu’une partie des diasporas immigrées s’organise sous forme d’un entre-soi auquel les autochtones n’ont plus droit et d’une contre-société qui engendre elle-même de nouvelles migrations. (…)
Les sociétés les plus hétérogènes sont toujours les plus violentes parce que la confiance réciproque y a disparu pour être remplacée par la méfiance et la suspicion, qui interdisent à leur tour l’empathie et la coopération. Sociétés multiraciales, sociétés multiracistes ! (…) Il faut donc le dire nettement et calmement : la vocation du Tiers-monde n’est pas de venir se déverser en Europe, la vocation des peuples d’accueil n’est pas de s’adapter aux nouveaux venus, la vocation des pays européens n’est pas de devenir musulmans.
Les arguments économiques ne faisant plus recette, le discours immigrationniste se réduit aujourd’hui à un discours moral que tiennent tous les acteurs de la grande coalition universaliste, qu’il s’agisse du patronat, des marchés financiers, des bobos, de l’ultra-gauche ou des curés, tous unis dans le pathos et le sentimentalisme pour accuser de xénophobie ceux qui prétendent rester maîtres de leur mode de vie spécifique, de leur sociabilité, de leurs mœurs, bref de ce qui leur est commun. (…)
Être pour ou contre l’immigration en soi n’a aucun sens. Tout dépend de qui immigre, à quel rythme et dans quelles circonstances. Le problème est que, dans le climat actuel de brutalisation et d’hystérisation des rapports sociaux, il est difficile de parler de l’immigration en se tenant à égale distance des hallucinés prédicateurs de guerre civile, qui voudraient que la critique de l’immigration se confonde avec une haine des immigrés, et les angéliques niais qui nous expliquent tout à la fois qu’il n’y a pas de problèmes, qu’il n’y a jamais eu aussi peu d’immigrés qu’aujourd’hui et qu’en même temps ils sont bien trop nombreux pour que leurs flux ne soient pas irréversibles.
Au moment où l’Europe est en train de se briser sur la question migratoire, le pape François dit qu’il faut construire des ponts, et non des murs. Il faudrait lui parler des portes et des fenêtres. Et des ponts-levis.
Éléments