Présent - Est-ce indécent, alors que plus de 10 000 Français ont perdu la vie, alors qu’on ne distingue pas encore la fin de la crise sanitaire, que de s’interroger sur les conséquences économiques des événements que nous avons vécus et que nous sommes toujours en train de vivre ? Certainement pas.
Il y a en effet plusieurs très bonnes raisons pour commencer à réfléchir dès maintenant à ce qui va se passer sur ce terrain, et comment en limiter les conséquences. La première bonne raison, nous la tirons des leçons que nous donne la crise sanitaire : c’est justement parce qu’il n’y a eu aucune anticipation sérieuse que cette crise s’est révélée aussi grave. Ne commettons pas la même erreur pour son volet économique, qui sera également terrible.
La deuxième bonne raison, c’est que si l’on soigne et guérit des populations, si l’on expérimente des médicaments, si l’on invente, dans l’extrême précipitation, des vaccins, mais si en parallèle le monde émergeant, convalescent, est ravagé par des pénuries et ses conséquences sur l’espérance de vie, à quoi bon ?
On pourrait ajouter une troisième raison, tirée elle aussi de l’expérience que nous venons de vivre, spécialement en France : une réflexion sur la situation économique et les recherches de solutions serait bienvenue si elle peut nous éviter les incroyables cafouillages de communication de nos gouvernants, qui ont décrédibilisé leurs discours, et contribué à l’anxiété générale.
Et Gérard Longuet a évoqué mercredi un quatrième argument : « Un Etat trop endetté finit toujours par rogner sur la prévention des risques. » Autrement dit, si le redressement économique n’est pas pensé, et mis en œuvre, nous serons demain aussi désarmés qu’aujourd’hui face à une nouvelle crise sanitaire.
– 6 % de PIB sur un seul trimestre : du jamais vu !
La situation se présente donc ainsi : les pays touchés, du fait du surcroît, non budgété bien entendu, des dépenses de santé, mais surtout du fait du confinement et de la quasi-paralysie économique de la planète pendant deux à trois mois, se retrouvent avec des déficits abyssaux.
Au 1er trimestre 2020, le produit intérieur brut de la France a chuté de 6 %, selon la Banque de France. Un tel recul, c’est du jamais vu. Il faut, paraît-il, remonter à la dernière guerre pour trouver une récession aussi catastrophique.
Qui plus est, le confinement n’a concerné que 15 jours de ce premier trimestre, et les mises en chômage partiel ou total, l’arrêt complet de certains pans de nos activités, pèseront essentiellement sur le second trimestre… sous réserve, toutefois, que la crise sanitaire ait été pleinement maîtrisée à la fin du mois de juin, ce qui reste loin d’être certain. A part les pompes funèbres, à peu près tous les secteurs sont touchés : tourisme, spectacles, transports, restauration, commerce, services, industrie lourde, industrie de main-d’œuvre. La planche à billets va fonctionner à plein régime, et le risque d’inflation va resurgir, alors qu’il avait pratiquement disparu.
La France est spécialement mal armée pour cet « après ». Comme les autres pays du Sud, Espagne, Italie, Grèce, notamment, auxquels nous sommes désormais identifiés, notre laxisme passé en matière budgétaire annonce un hiver économique effroyable. Et ce n’est certes pas l’Europe qui nous sauvera. Ce n’est que l’éternelle histoire de la cigale et de la fourmi, me direz-vous. Mais en l’occurrence la cigale a en outre le Covid-19.
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