Le Sénat et la Commission européenne ont adopté une batterie de mesures contre l’obsolescence programmée. Une volonté politique, au moins de façade, qui met en lumière la complexité que constituerait un changement des modes de production et de nos modes de consommation.
Le Sénat part-il en guerre contre l’obsolescence programmée ?
Le 27 septembre 2019, le Sénat a voté une batterie de mesures pour lutter contre l’obsolescence programmée ! Ce phénomène, souvent pointé du doigt mais difficile à contrôler, qui consiste pour les fabricants de produits à réduire volontairement la durée de vie de leurs produits pour pouvoir continuer à vendre à une fréquence plus courte. Une pratique inévitable dans une économie reposant essentiellement sur la consommation et où la production, souvent assurée loin du pays de vente, est devenue paradoxalement presque secondaire pour les enseignes !
Loi « anti-gaspillage »
Parmi les mesures adoptées par la chambre haute française on retrouve notamment un indice de durabilité, des mises à jour obligatoires pour les smartphones et tablettes ou même des initiations à la réparation dans les collèges. Un panel de mesures déclinées au sein du projet de loi « anti-gaspillage ». Des associations comme "Halte à l’Obsolescence Programmée" et "Zero Waste France" ont d’ailleurs salué l’initiative. Mais si le texte a été bien perçu, son utilité reste à être démontrée.
En effet l’indice de durabilité serait ainsi prévu seulement pour 2024 quand celui de « réparabilité » n’apparaîtra qu’en 2022. Le secrétaire d’Etat à la transition écologique, Brune Poirson, bien qu'opposée à l’indice de durabilité, était favorable à celui de réparabilité. Et pour cause, le ministre a évoqué à juste titre la complexité d’établir la durabilité eu égard aux usages parfois très variées des produits. Les députés de la majorité ont purement et simplement sabordé cet aspect du projet…
Une divergence qui permet de comprendre l’ampleur du problème de l’obsolescence programmée. Dans une économie où la consommation a supplanté la production en ordre d’importance et où les délocalisations ont déplacé le centre de gravité industriel, difficile d’avoir prise sur la qualité des produits. Il sera d’ailleurs très complexe d’imposer de nouvelles normes à des géants industriels souvent étrangers. Vu l’ampleur du chantier, une réponse continentale semblerait même plus appropriée… réponse que la Commission Européenne semble avoir apporté le 1er octobre en adoptant des règles obligatoires de réparabilité et d’étiquetage. Reste qu’il est difficile d’imaginer l’UE comme l’Etat français rentrer en guerre contre les géants de la consommation… sinon à repenser complètement les modes de consommation et plus généralement les modes de vie.
Pour le professeur en sociologie et militant de gauche radicale Razmig Keucheyan, la solution miracle réside dans l’extension de la garantie à dix ans. Une mesure extrême qui qui selon lui imposerait une production plus mesurée. Et pour cause, la garantie est très appréciée des consommateurs français, ainsi 80 % d’entre eux rapportent le produit lorsqu’il tombe en panne pendant la période de garantie…
Le taux de réparation des produits hors-garantie est lui inférieur à 40 %.
Changer les règles de la garantie pourrait donc être un levier formidable de lutte contre le gaspillage. Les conséquences, elles, ne manqueront pas de bouleverser nos habitudes, la diminution des recettes des fabricants aurait, selon les fabricants, des conséquences néfastes sur les sacro-saints services de recherche et de développement.
Reste que l’allongement de la garantie favoriserait une activité après-vente créatrice d’emploi dans le pays vendeur et pourrait tendre à une forme de relocalisation. Mais une fois encore un tel changement impliquerait une véritable volonté de changement.