Malaisie : discipline et gestion de criseLa Malaisie est le deuxième grand Etat musulman de l’ASEAN. Peuplé d’un peu plus de 30 millions d’habitants, le pays a une superficie de près de 330 000 km2. Il est par ailleurs divisé en deux, avec d’un côté la péninsule malaise partagée avec Singapour et la Thaïlande (Malaisie Occidentale) et de l’autre, l’île de Bornéo, partagée avec l’Indonésie et Brunei.
La Malaisie, indépendante de l’empire britannique depuis 1957, est une monarchie constitutionnelle élective et fédérale. On y compte treize Etats dont deux seulement se trouvent sur l’île de Bornéo. Ces différents Etats connaissent des modes de gouvernement variés (sultanats, royaume, gouvernorats). Le roi de Malaisie est traditionnellement élu parmi les sultans pour une période de cinq ans. Assimilable dans son fonctionnement à une démocratie moderne, l’Etat a volontiers recours à des méthodes autoritaires.
Les malais, groupe ethnique majoritaire, concentraient environ 65% de la population, loin devant les chinois (25%) et les indiens (10 %). Côté religion, l’islam sunnite chaféite est religion d’Etat et est partagé par la majorité ethnique malaise et par plus de la moitié de la population. Le bouddhisme est la deuxième religion (entre 15 et 20 %) puis vient le taoïsme (10%) et le christianisme et l’hindouisme à environ 8%. Les religions non musulmanes sont tolérées mais l’islam sunnite demeure la religion la plus privilégiée (chiites et alaouites bénéficient de moins de droits). Sauf si leur Etat (sultanat royaume ou gouvernorat) le permet, les musulmans ne peuvent pas changer de religion et le prosélytisme est réservé aux musulmans.
En Malaisie les français expatriés ont parfois pour habitude dire que les malais tiennent l’administration, les chinois le business et que les indiens servent de main-d’œuvre. Les minorités ethniques servent, elles, bien souvent de valeur d’ajustement économique.
La Malaisie est un pays riche et a connu un développement fulgurant au cours des années 1990 et 2000. Ses infrastructures sont modernes, sa fiscalité intéressante pour les investisseurs. Ses principaux partenaires sont le Japon, les Etats-Unis et la Chine. La proximité géographique et économique avec celle-ci l’a d’ailleurs exposée rapidement au Covid-19.Un pays discipliné qui déplore peu de décèsLe premier cas détecté en Malaisie date du 25 janvier, il y a deux mois et demi. Aujourd’hui le pays en est à un peu plus de 4000 cas officiels pour une soixantaine de morts, ce qui est extrêmement peu.
La plupart des infections auraient eu pour origine un rassemblement religieux, auquel une vingtaine de milliers de personnes ont participé. Il s’agit d’un rassemblement mondial de musulmans qui se tenait fin février et rassemblaient des personnes venues du Bangladesh, de Thaïlande, de Singapour, de Brunei et des Philippines. Un scénario banal qui fait penser, dans une mesure bien plus importante, au rassemblement évangélique qui aurait facilité la propagation du virus dans l’est de la France.
Prévoyant, le gouvernement a d’abord demandé aux femmes de ne pas trop embêter leur mari, avant de se confondre en excuses. Comme toujours, on peut imaginer que les chiffres sont un peu arrangés mais la tendance semble tout de même être à une véritable efficacité du pays face à cette crise. Les mesures de confinement on pourtant démarré assez tardivement, le 18 mars, et se poursuivront jusqu’au 14 avril au moins.
Minorités ethniques d’origines, les Orang Asli, qui seraient quelques dizaines de milliers ont pris la menace très au sérieux et ont tôt fait de dresser des barricades dans leurs village de jungle.
On ne rigole pas avec les règles
Le ministre de la santé a invité, le 3 avril dernier, les malais à poursuivre leur attitude responsable face à l’épidémie, afin de « briser la chaîne de transmission ». Un message bien entendu, voir même appliqué à la lettre avec des méthodes qui peuvent paraître un peu étonnantes depuis l’Occident… En effet, comme le rapportent des monégasques expatriés dans le pays, des expatriés ont été arrêté par la police alors qu’ils pratiquaient la course à pied dehors… L’affaire a été reprise par la presse, les noms et nationalités des coureurs publiés ! Les règles malaisiennes sont strictes et globalement bien appliquées. Une personne par foyer peut sortir chaque jour pour un trajet maximum de 10 km pour faire ses courses. Les sorties pour se distraire, promener le chien ou faire de l’exercice sont prohibées et passibles d’amendes de 200 à 2000 euros et même d’emprisonnement !
Quarantaine pour le roi et rapprochement avec la Chine
Le Covid-19 a par ailleurs affecté l’environnement du roi et de la reine, qui ont été placé en quarantaine après que 7 de leurs employés aient été testés positifs (l’état de ceux-ci serait stable).
La crise, elle, aurait rapproché un peu plus Kuala Lumpur de Pékin, la Chine ayant prêté main forte à la Malaisie. Les rapports déjà étroits entre les deux pays pourraient se voir renforcer et accentuer une division Orient/Occident même si, dans l’immédiat, la Malaisie comme la plupart des pays d’Asie du Sud-est ont intérêt à jouer à la fois sur le tableau chinois et sur la proximité commerciale et financière avec l’Occident.
Par ailleurs, la Malaisie, deuxième producteur au monde d’huile de palme derrière l’Indonésie, a par ailleurs vu sa production largement ralentir. Riche en matières premières (gaz, pétrole, bois…), le pays va connaître un coup d’arrêt économique mais devrait être parmi les Etats qui se remettront assez vite de la crise sanitaire.