Une fois de plus, l’affaire Adama Troré revient sur le devant de la scène, certes sur les seules initiatives de la gauche extrême, et du journal Le Monde. Ce dernier est redevenu, ces derniers mois, le porte-parole de ce courant pourtant très marginal, comme au plus beau temps des Edwy Plenel et des Jacques Fauvet.Le Monde du 26 juillet apporte de l’eau au moulin de la famille Traoré, en laissant entendre que les quatre expertises médicales successives qui ont dédouané les trois policiers mis en cause par la famille (d’origine malienne, un mari, quatre femmes, 17 enfants) seraient invalidées par une cinquième expertise. Une sixième contre-expertise est programmée. Sera-t-il donc procédé à des expertises médicales successives tant que l’une d’elles n’aura pas abouti aux résultats attendus par les soi-disant antiracistes ?
Le Monde du 26 juillet, apparemment convaincu de tenir une nouvelle affaire Dreyfus, donne largement la parole à la famille Traoré, et aux groupuscules qui la soutiennent, laissant complaisamment mettre en cause l’éthique du corps médical. « Nous soupçonnons une connivence entre les juges et les experts médicaux », déclare l’avocat de Traoré, propos scrupuleusement rapportés par
Le Monde.
Tout ceci nous rappelle aussi comment
Le Monde avait orchestré – avec quelques autres, dont Hollande lui-même – la défense de l’assassin Battisti. C’était certes à une autre époque, celle des Plenel et des Fauvet aux commandes, précisément, mais il n’empêche que cela nous en dit long sur la capacité de ce quotidien, autrefois dit « de référence », à gober tout sec les théories complotistes les plus éculées.
Qu’une sœur défende son frère avec un tel acharnement a certes quelque chose d’émouvant. Il faut lui rendre cet hommage, tout en notant que la mort du jeune militant nationaliste Sébastien Deyzieu, en 1994, dans des circonstances pas si éloignées, mais beaucoup plus honorables pour la victime, ne bénéficia jamais de préjugés favorables ni de tribunes comparables.
« Extorsion de fonds avec violence »Car il faut en revenir aux circonstances de la mort de cet homme : il y a juste trois ans, deux frères Traoré firent l’objet d’un contrôle d’identité à Beaumont-sur-Oise. L’un, Bagui Traoré, était en fait recherché pour « extorsion de fonds avec violence ». La famille semble avoir « oublié » ce volet-là de l’affaire.
Bagui se laisse contrôler. Adama, multirécidiviste, mais pour des délits nettement moins graves, s’enfuit. S’il ne s’était pas enfui, il n’y aurait pas eu d’affaire Traoré, et il serait sans doute encore en vie.
Car c’est cette course, et les deux bagarres au cours desquelles Traoré a réussi, à chaque fois, à échapper aux policiers, qui l’ont tué, disent les experts médicaux. Peu importe, au fond que la course ait duré quinze minutes (bagarres comprises) et/ou qu’elle ne se soit déroulée que sur 450 mètres : c’est bien elle qui l’a tué, ainsi que les circonstances de son arrestation (les deux bagarres au cours desquelles il a réussi à se libérer), et pas le fait qu’il ait dû être maîtrisé par trois policiers, qui l’auraient étouffé sous leur poids, selon la théorie des Traoré.
Pourquoi s’est-il enfui ? Pourquoi s’est-il battu plusieurs fois avec des policiers, au point d’arriver à leur échapper à nouveau ? Pourquoi les policiers ont-ils été obligés d’être trois pour le maîtriser, alors qu’il s’agissait, pour lui, d’un simple contrôle d’identité ? Poser ces questions, c’est conclure qu’il est responsable de sa mort, toute scandaleuse que soit la mort d’un homme.
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